Découvrir Potosí au lever du jour
La nuit dans le bus « en cama » entre La Paz et Potosí aurait pu être pire. Le seul hic, ce sont les problèmes de circulation au niveau des jambes (hérédité maudite). L’arrivée dans la ville au lever du jour fut mémorable. C’est toujours agréable de découvrir une ville inconnue dans ces circonstances, quand elle se réveille et que tout est calme. J’ai des souvenirs similaires quand nous étions arrivées à Bagan (Birmanie) et Hoi An (Vietnam).
Par contre, après avoir attendu un peu, à plus de 4000 mètres, j’ai quand même fini par réveiller le gars de la guesthouse. J’ai profité de la matinée pour aller voir un peu ce qui se passait, pas grand chose avant 9h00 en fait. Je suis tout de suite tombée sous le charme de ses ruelles colorées surplombées par les montagnes alentours. Généralement, on sent très vite quel lien on va avoir avec une ville et à Potosí, à 7h30 du matin, malgré le froid, je m’y sentais bien. Visite de l’hôtel de la monnaie dans l’après-midi. Impressionnant !
Dommage qu’il n’y ait pas de location de scooter, vélo ou moto comme en Asie j’aurais aimé faire un tour dans les environs. Folle envie de rouler à travers ces paysages de folie. Nous sommes beaucoup pris.e en charge au niveau des transports en Amérique latine (bus, bus et bus, grrrr).
Se préparer à la visite des mines de Potosí
Cette ville de l’Altiplano (qui est l’une des plus hautes du monde) culmine à 4090 mètres et reste le plus souvent visitée pour ses mines d’argent (de nombreuses agences locales proposent une visite) en plein cœur de la montagne riche « Cerro Rico » qui domine la ville du haut de ses 4782 mètres. Les Espagnoles firent de l’extraction de l’argent une véritable industrie qui permit de remplir les caisses de l’Empire pendant des siècles.
Ce matin, 23 juin 2013, je n’ai pas arrêté de me balader dans la ville et j’ai acheté de la bouffe et des boissons pour ma visite des mines et des mineurs le lendemain. J’imagine déjà que je vais avoir droit à une version XXIème siècle de Germinal. Le tourisme de la misère, je n’étais pas super chaude mais je voulais surtout savoir jusqu’où les gens étaient prêt.e.s à aller pour exploiter ce filon.
Le jour de l’anniversaire de la police bolivienne
Ce jour là, un enfant, un vieillard et une vieille dame m’ont demandé de l’argent. C’est la troisième fois depuis mon arrivée. Au niveau de mon projet, j’ai eu la réponse de L aujourd’hui. Il me dit de ne pas y aller seule…certes. J’ai encore une fois des doutes quant à la possibilité de le réaliser. J’ai fait une erreur en décidant de ne pas prendre mon ordi avec moi car même si j’avais besoin de voyager léger, devoir aller au cyber café régulièrement est un peu chiant. Il n’y a pas énormément de touristes à Potosí, (fin juin, ça doit être normal) et ce jour là, c’est l’anniversaire de la police bolivienne : Il y a un petit défilé dans les rues. J’en profite pour prendre quelques photos.
Ecrire sur ma grand-mère en Bolivie
Deux jours avant, ma mère m’a envoyé un mail pas très rassurant concernant ma grand-mère. C’est comme si je savais que je n’allais pas la revoir en lui disant au revoir avant mon départ. Elle, ne s’est pas gênée pour me dire qu’elle voulait mourir (elle le disait à toute la famille). Il y a quelques années (en 2013), j’ai commencé à perdre (peu à peu) l’une des femmes qui compta énormément dans ma vie.
Par petites bribes, comme ça, mine de rien, on ne reconnaissait plus ses réactions, on cherchait la lueur aurait pu nous rendre confiant.e et puis on s’est résolu.e.s, impuissant.e.s. Pendant ce voyage en Amérique latine, je pense à l’éventuelle mort de ma grand-mère et à la maladie d’autres personnes de la famille. Se dire que rien ne sera jamais plus pareil, pour la première fois de sa vie. La tristesse qui nous ronge désormais ne se partage plus en commun, elle se subit individuellement dans nos maisonnées respectives, en se demandant ce qui nous est arrivé.e.s.
Il y a quelques années, j’ai fait mon premier deuil, celle que j’avais connu n’était plus vraiment là. C’est cet été 2013 que ma grand mère a commencé à vriller totalement. Subsistait sa chair et par moment l’esprit qu’on lui connaissait. Pourtant, il manquait quelque chose. J’aurais pu passer plus souvent avant mon départ mais j’avais peur de ne plus du tout la reconnaître.
Celle que je voulais garder dans mon esprit n’était plus physiquement et mentalement la personne que j’avais en face de moi depuis mon enfance. Je suis nostalgique depuis que je suis jeune et ce n’est pas forcément tout le temps agréable mais vouloir sortir de la nostalgie, c’est aussi se sentir capable d’affronter la mort. Inconsciemment, être à des milliers de kilomètres me permettait aussi de ne pas avoir à faire face. En Bolivie, j’ai l’excuse de ne pas pouvoir venir à l’enterrement.
Depuis des années, j’avais cette crainte, des angoisses concernant cette chose inévitable. Plus petite, j’en pleurais quelques fois avant de dormir alors que ma propre mort ne m’effrayait pas. Finalement, ma grand-mère est toujours vivante (décédée en octobre 2017) mais j’ai dû faire son deuil, cet été là.
La visite de la mine de Potosí
Il faut revenir un peu sur la visite de la mine. C’est une consigne donnée par toutes les agences, il est recommandé d’arriver avec des boissons, des feuilles de coca et / ou un peu de bouffe pour les mineurs. La visite est une épreuve qui ne dure que quelques heures pour nous gringos et qui reste à ce jour l’une des plus dérangeantes que j’ai eu à faire. On assiste à une vitrine de misère humaine dont certain.e.s profitent pour gagner du fric (les agences du centre) et où les touristes font claquer les appareils photos sur cet univers misérable. On n’hésite pas à se prendre en selfie avec les mineurs aux dents noirs et à la vie rude, histoire d’avoir des images originales à montrer une fois rentré.e aux States.
Il n’y a pas si longtemps, les blanch.e.s se payaient leur moment « d’exotisme » dans les zoos humains de Vincennes ou autres et bien là, on n’en est pas si loin. Le seul côté positif qu’on pourrait éventuellement trouver à cette foire immonde, c’est qu’au moins, chaque jour, les mineurs ont de quoi se désaltérer et de quoi manger. Pour les visiteurEs également, cette visite peut constituer une expérience exceptionnelle, si l’on s’intéresse au métier et aux parcours personnels et professionnels des mineurs. Cependant, intimement, je ne me sentais pas bien du tout.
Des conditions de vie encore inacceptables
Avant, les mineurs travaillaient pendant 6 mois sans sortir de la mine (dans le noir total). Ce n’est plus le cas aujourd’hui mais on continue à devenir mineur dès l’âge de 14 ans. L’un d’eux, la cinquantaine, avait commencé à travailler à la mine il y a 38 ans ! Il était père de 10 enfants (avec la même femme, la pauvre), le dernier avait 3 ans (à l’époque) et le premier 25 ans ! Dans cet univers, il y a l’effort physique, l’odeur, les produits toxiques, l’altitude (+ de 4000m), l’obscurité et l’âge moyen de décès serait de 45 ans. Pas évident de trouver un juste équilibre entre le tourisme et leurs conditions de vie…
Les langues et nous
Notre vieille et petite guide était accompagnée d’une nana qui apprenait le français. Elle m’a dit que les langues étaient importantes pour le tourisme (je n’ai pas dit qu’elle avait inventé l’eau chaude non plus). Ce que j’apprécie depuis mon arrivée, c’est qu’ici, personne ne va faire d’efforts pour parler anglais. Les Français.e.s comprennent ce genre de position ! 🙂 En plus, c’est hyper sympa de pouvoir parler la langue maternelle (ou 2ème langue) avec les habitant.e.s.
Ce jour là, pendant la visite de la mine, j’ai croisé trois Américaines essoufflées (et apparemment dépassées par la situation) me demandant – l’air désespéré – si je parlais anglais. Les Anglos-Saxon.ne.s sont tellement habitué.e.s que le monde se penche vers eulles pour exaucer leurs prières (in english please) que dès qu’ils.elles se mettent dans la peau de n’importe quel.le étranger.e en terre inconnue, ils.elles manquent de repères. Cette unité de langage sur tout un continent (ou presque) est d’ailleurs un remède contre l’invasion du soft power anglais et là dessus, les Bolivien.nes font oeuvre de résistance car ils.elles ne sont pas encore à la botte des anglos-saxon.ne.s et c’est tant mieux !
Le 25 juin 2013 : La veille, j’ai pris le bus de Potosí jusqu’à Uyuni. Arrivée vers 22h dans une ville fantôme.